Actualités

Sylvain Guillet,l’engagement avant tout

Après des années à la tête de l’Enipse, l’emblématique Antonio Alexandre a passé la main, fin d’année 2023. Sylvain Guillet, le nouveau directeur national, lève le voile sur son parcours et ses ambitions au sein de l’association qui intervient en prévention, santé et réduction des risques auprès des publics LGBTQI+.

Propos recueillis par Julien Claudé-Pénégry pour le magazine Strobo

Pourriez-vous vous présenter ?
A l’âge de 19 ans j’ai dirigé une antenne régionale de Fun Radio. J’ai été très vite sensibilisé à la lutte contre le VIH et en 2002, j’ai intégré l’équipe du Sneg prévention, pour la région grand sud-ouest. Depuis 20 ans au sein de la structure, j’ai occupé les fonctions de délégué régional en Occitanie puis de coordinateur national à L’Enipse, une association que j’ai vu grandir et évoluer. Pendant toutes ces années, j’ai formé avec Antonio Alexandre un tandem efficace et c’est tout naturellement que je lui ai succédé, au poste de directeur de l’Enipse, depuis son départ à la retraite. De façon occasionnelle, j’interviens en qualité de formateur en relation d’aide, counseling et TROD (test rapide) et je suis sophrologue certifié depuis plus de 10 ans.

Quelle est votre conception du rôle de directeur au sein de l’association Enipse ?
Tout d’abord, je dois veiller à la pérennisation des financements, puisque l’association dépend principalement de fonds publics. J’assure la gestion administrative, financière et des ressources humaines. En 20 ans, notre équipe s’est agrandie puisqu’elle compte aujourd’hui 40 salariés. Mon rôle est aussi d’accompagner et de faire monter en compétence mes collaborateurs, de développer de nouveaux projets en santé publique. Les missions de l’association ont considérablement évolué : à l’origine elles étaient majoritairement dévolues à l’animation du réseau d’établissements et lieux de sociabilité, elles se sont étendues au développement des partenariats avec les structures associatives et institutionnelles, tels que les CeGIDD, les COREVIH, les CSS (Centres de santé sexuelle, ex-centres de planification et d’éducation familiale). Notre pratique professionnel le concernant l’approche du public LGBT+ se fonde sur une vision plus élargie que la simple prévention du VIH,
elle intègre la prise en compte des notions de bien-être, de lutte de contre les discriminations, les vulnérabilités… Nous faisons des propositions à 360° autour de ces thématiques, en veillant à rester innovants, en phase avec les besoins. J’ai la chance de travailler avec une équipe de chargés de prévention dynamique, compétente et fidèle, car l’Enipse investit massivement en formation continue. L’équipe est agile et réactive face aux réalités et spécificités des publics-cibles. Je supervise également la création des campagnes de prévention, qui sont d’ailleurs téléchargeables sur notre site internet : guide PrEP, guide de la sexualité gay…

Quels sont les sujets et les lignes directrices que vous allez impulser pour l’Enipse dans les années à venir ?
L’identité de l’Enipse repose sur plusieurs piliers historiques, d’abord, la force de son réseau de lieux de sociabilité (bars, sex-clubs, saunas, discothèques…) Notre couverture nationale inclut des territoires ruraux où les publics sont éloignés de dispositifs d’information, de soutien, de prise en charge adaptés, et d’association communautaires. Nous sommes reconnus par les institutions et proches de la communauté scientifique depuis 30 ans. Je souhaite maintenir et développer les missions au sein des établissements, poursuivre l’accompagnement en santé sexuelle, en nous focalisant sur des publics (chemsexeurs, personnes exilées…) statistiquement plus touchés par l’épidémie de VIH et les IST et bien sûr, accompagner le public LGBT dans toute sa diversité. Parallèlement à ces socles, je souhaite pérenniser nos actions hors-les-murs, avec une offre complète de dépistages dans des lieux extérieurs par exemple, pour ne jamais oublier le public éloigné du soin. Le déploiement d’une offre en santé mentale destiné aux LGBT+ et la formation de professionnels de santé et du médico-social va se poursuivre. Notre expertise en accompagnement nous a valu d’être sollicité par des associations (Médecins du monde, la fondation le Refuge, Carudd…) pour former leur personnel sur des thématiques variées. Notre pôle formation est certifié Qualiopi, c’est une grande fierté, je vais veiller à ce que ça continue.

L’Enipse a ouvert récemment des centres consacrés à la santé mentale à Toulouse puis à Paris. Quels sont les projets à venir, avez-vous prévu d’ouvrir d’autres centres en France ?
Dès 2008, nous avons développé des permanences dans les bars et saunas avec des psychologues cliniciens. Les chiffres et les études démontrent que les personnes LGBT+, sans être plus « fragiles », sont plus sujettes aux troubles psychiques tels que le stress, l’anxiété, la mésestime de soi, allant jusqu’ aux épisodes dépressifs et au risque suicidaire ; elles sont plus à risque de développer une consommation abusive de substances pyscho-actives. Parmi les éléments déclencheurs, on retrouve les LGBT+ phobies, les préjugés, les stigmatisations et les discriminations ou des facteurs individuels tels que le coming in & out, la sérophobie ou encore la dysphorie de genre. Le besoin d’un suivi plus complet en termes de soutien psychologique était immense, nous l’avons constaté sur le terrain. Un dispositif pérenne dédié à la santé mentale et à la psychologie, le CeSaMe Occitanie a vu le jour à Toulouse grâce au soutien de l’ARS Occitanie. C’est un centre de ressources en santé mentale, il accueille et accompagne le public LGBT et forme les professionnels de santé aux spécificités d’accueil de ce public. Un dispositif d’accompagnement psychologique a ouvert à Paris, avec succès, et ouvrira très probablement à Lyon, puis ailleurs, nous l’espérons.

Un dernier mot pour conclure ?
Merci à Strobo et à la presse LGBT d’accorder de la place à la santé sexuelle, à la visibilité de nos missions. Nous avons, dans cette époque, besoin d’échanges et de partage d’expériences. Même si la société a évolué de façon positive concernant la représentation et les droits des personnes LGBT+, il y a encore beaucoup de combats à mener pour permettre à chacun l’accès à un mieux-être.